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Les histoires d'une aide soignante
11 septembre 2013

Mourir debout

Que pensez vous du mourir debout... C'est depuis quelques temps le choix qui est imposé à nos vieux, mais je veux tout d'abord expliquer une situation. 

Je ne suis pas pour la contention systématique de barrières au lit ou de ceinture au fauteuil, loin de là, on a bien vu arriver des personnes au fauteuil retrouver une certaine autonomie de marche, avec de l'aide et de la patience, mais on voit aussi des cas où les chutes inévitables entraînent aussi des Pth et donc une souffrance supplémentaire pour la personne, la plupart du temps s'ensuit un syndrome de glissement et bien sûr une lourdeur supplémentaire dans le service, mais de la lourdeur du service on en parlera pas. Une personne qui ne tient plus sur ses jambes retrouvera (peut être) du tonus musculaire à force de se lever et d'essayer de marcher oui ok c'est mécanique mais quand on a 90 ans, qu'on est démente et qu'on aurra séjourné quelques années dans un fauteuil, avant d'aller se promener seule dans le jardin il y aura des étapes non? Une évaluation des capacités tout d'abord? Un kiné, un ergo, un déambulanteur quelque chose quoi Allo...???

Une nuit record, pour le plus grand plaisir de mes collègues, les pompiers se sont déplacés 8 fois pour ramasser des résidents, la plupart d'entre eux se trouvant au secteur protégé et les chutes s'enchaînaient. Je n'exagère rien en disant 8 fois, juste que l'AS à utilisé les moyens légaux, cette action étant certainement motivée par le manque de concertation avec le personnel soignant lors des prises de décisions. Un après midi, en 2 h de temps plus exactement, on a relevé 5 fois une dame à qui on avait supprimé la ceinture de maintien au fauteuil. Cette dame n'avait aucun appui sur les jambes et qui plus est un peu désorientée, ne comprenant pas très bien qu'il ne fallait pas trop qu'elle se penche... La ceinture ne lui servait que de maintien pour éviter qu'elle ne glisse, ce n'était en aucun cas une entrave à sa liberté hormis celle de vouloir tomber mais je doute qu'elle le voulait vraiment. 5 fois nous l'avons redressée et remise au fauteuil!!! Ok elle ne se faisait jamais trop mal car elle glissait doucement mais elle était en panique à chaque fois qu'elle se retrouvait par terre et de plus elle était très lourde. Les visiteurs étonnés, limite scandalisés nous demandaient pourquoi pas de ceinture??? Elle la portait quand même depuis presque une année suite justement à de nombreuse chutes du fauteuil jusqu'à la fracture du nez. La cadre, l'ide ou la fille de l'accueil nous appelaient sans cesse pour venir ramasser Mme F. On en avait le fou rire tellement c'était énorme car nous n'étions que 2 dans ce créneau horaire et dans les étages évidemment, car c'était l'heure des levées de siestes. Oui le fou rire est mon "défouloir" sinon j'en étrangle une et ce ne sera certainement pas ma collègue ou un résident ;-) L'ide nous a trouvé une idée géniale pour éviter que cette dame ne rechute, mettre son fauteuil en position allongé :-s comme si on y avait pas penser avant, mais le problème est que Mme F n'était pas très bien dans cette position allongée et qu'elle se relevait quand même car elle ne voyait rien de ce qui l'entourait. Le pire du ridicule reste à venir.

En fait, cette décision de supprimer systématiquement les contentions venait de notre nouveau médecin co. qui n'était là que depuis quelques semaines, qui ne connaissait pas  tous les 75 résidents de l'établissement et qui a demandé à une de nos Ide (très gentille mais comment dire... pas très fut fut et surtout nouvelle aussi) de faire le tour des résidents porteurs de ceintures ou de barrières de lit, de leur demander si il voulait garder leur contention, et si oui, de signer une décharge!!! Lol... Demandez à un cul de jatte si il veut marcher! La moitié ne comprenait rien de ce qu'on leur demandait, l'autre moitié incapable de signer ou n'ayant pas de famille pour le faire à leur place, c'est dans ces conditions que les contentions ont toutes été supprimées, et qu'on s'est retrouvé avec des résidents blessés, scalpés, algiques pour les moins grave, un traumatisme crânien et des Pth... Alors oui, oui à la suppression des contentions mais avant il faut mêtre des choses en place il me semble non? Parsque le résident a 2 séances de kiné de 10 mn par semaine c'est "lève toi et marche"?

Mais mourir debout étant la nouvelle devise de l'établissement et la contention de la maltraitance, on avait pas notre mot à dire! Sauf que nous on les connaît et que NOUS aurions aimé être consultés de façon pluridisciplinaire, les AS, Ide, kiné, familles etc... de façon à supprimer les contentions au CAS par CAS suivant les capacités de tout un chacun, leurs besoins, et les disponibilités de l'équipe, au moins pour de la surveillance au secteur Alzheimer. Les barrières pour certains étaient une sécurité pour ne pas tomber d'un lit trop haut, PAS ADAPTÉ, en se tournant, pour d'autres une obligation car aucun appui ni force dans les jambes et aucune conscience du danger. Ah mais le mourir debout... Alors on c'est posé une question! est ce un moyen de... non je ne serais pas mauvaise langue.

Le mourir plus tôt n'allait pas tarder. S'en suit 10 décès en 2 mois... Pas que à cause des chutes mais aussi de négligence. A occuper son temps à pondre des PVI inutiles (j'y reviendrais dans un autre article) on en a plus pour s'occuper des vrais problemes, de vrais malades, on met leurs symptômes sur le compte de la chaleur ou de l'état dépressif du moment et on passe à côté de l'occlusion ou du malaise cardiaque! Est ce un moyen de... ??? Je ne devrais pas penser ces choses là mais je suis épuisée de toutes ces tête pensantes qui prennent des décisions sans nous consulter, nous qui sommes proche de ces vieux, nous qui partageons leur souffrance et leur intimité et qui sommes à même de dire Qui Quand Comment que ce soit pour les ceintures, barrières ou autre contention. Sans parler de tout le reste...

Et bien on a pas lâcher l'affaire. Après tout ces incidents et accidents il fallait trouver un moyen radical pour se faire entendre. Arreter l'hécatombe! Par chance l'établissement est équipé d'un outil informatique "merveilleux" sur la gestions des risques et à force de dénonciations et constats de conséquences, il a bien fallut se rendre à l'évidence et on a enfin été écouté. Les contentions ont étés remise ou définitivement supprimées, au cas par cas, après concertation de l'equipe, avec apprentissage de déambulanteur ou autre moyen de suppléance et l'évaluation au quotidien... 

On est pas des médecins, chacun ses compétences...

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